Les petites madeleines de Favart

On a laissé le lecteur il y a un mois sur les plus et les moins qu’un chantier de cette importance génère. En cette fin d’octobre, on le retrouve exactement au même point, sauf qu’une page est en train de se tourner salle Favart.

Publié le 28 octobre 2015
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La phase de dépose (trivialement parlant, les vieilleries partent à la poubelle tandis que les biens conservées sont religieusement entreposées dans les abris du barnum), et la phase de désamiantage sont en passe de se terminer. L’obsolète et le néfaste ont été évacués.  La place va bientôt être nette. Vient le temps de la préparation des locaux à l’installation de ce qui constitue la raison même de la fermeture de l’Opéra Comique pendant 18 mois : un système d’aération digne de ce nom, de nouveaux réseaux électriques, une accessibilité accrue à des parties communes ou privatives pour tous - et notamment les personnes handicapées -, un nouvel ascenseur à usage professionnel.


Mardi 27 octobre. 8h du matin dans l’ancienne salle de danse du cinquième étage transformée en salle de réunion, tandis qu’attenante à cette vaste pièce, la célèbre salle « Mado Robin » a été transformée en QG des travaux.  Une trentaine de personnes débute la réunion hebdomadaire. Collaborateurs de l’OPPIC (l’Opérateur du Patrimoine et des Projets Immobiliers de la Culture), architectes des différents corps de l’Etat qui suivent les travaux, représentants des entreprises présentes sur le site : tous sont assis autour d’une immense table. L’ambiance est détendue, pas ou peu d’hommes cravatés, quelques signes amicaux échangés de part et d’autre. On sent néanmoins que l’heure n’est pas à la rigolade. Chacun est venu avec  ses plans, ses cartes, ses colonnes de notes, son ordinateur portable, comme autant de points précis qui figurent à l’ordre du jour. On est là pour rendre compte et préparer la suite. Cette tension est palpable à tous les étages, dans les bureaux comme dans les différents endroits où les travaux sont à l’œuvre. C’est que la lutte contre le temps est engagée. On ne pilote pas un tel paquebot sans que le capitaine et ses marins n’aient pas  perpétuellement à l’esprit que l’embarcation doit arriver à bon port en décembre 2016 pour une réouverture début 2017, avec le Fantasio de Jacques Offenbach dans une mise en scène de Thomas Jolly. 


En ce mois d’octobre, une trentaine d’ouvriers sont sur le pont, il y en aura trois fois plus quand la bataille du calendrier fera rage. Où sont-ils ? 
Quand on se déplace dans les coursives, pour la plupart aujourd’hui recouvertes d’une couche de panneaux de bois, aux abords de ce qui fut jadis la salle, dorénavant harnachés de haut en bas d’un gigantesque échafaudage de près de trente tonnes, quand on parcourt les bureaux vides et les restes de ce qui fut le central costumes, ils apparaissent avec leurs habits de cosmonautes, casque sur la tête, masque sur la bouche, pour disparaître dans ce qui est un inextricable amas de bois et de ferraille. Le bois pour recouvrir. Le fer pour tenir. Pas étonnant s’ils se font rares sur les photos.


Le central costumes n’échappe pas à la règle. Là où le tissu était roi, voilà que des poutres métalliques jonchent le sol. Un petit escalier en colimaçon de dix-huit marches permettait d’accéder à ce qui reste un des endroits magiques de la salle Favart. Sous les toits. Presque sur Paris. L’endroit du bouillon, des grosses marmites pleines de couleurs, le lieu où se fabriquaient les teintures naturelles. La pièce est dorénavant totalement vide. La baie vitrée qui permet d’observer les toits de la capitale en revanche continue de faire son office et c’est très bien. Le ciel est bas, il fait froid. Ce vide entretient le privilège du passant. Quelle magie !


Il y a des plus et des moins, on l’a dit. Des vides et des pleins aussi. D’une certaine manière, l’Opéra Comique est plein comme un œuf. Au petit théâtre, on a entreposé de vieux parquets et des portes qui retrouveront vite leurs gonds. Et puis il y a des odeurs. Par exemple, l’odeur du bureau de Jérôme Deschamps, du temps où il dirigeait la maison. Pour ceux qui y ont passé un peu de temps, ils savent de quoi il retourne. L’odeur du bureau de Jérôme. Le lieu n’est plus accessible, une porte en bouche l’accès mais la mémoire peut faire appel à autre chose que le regard.  Tout a changé à Favart mais certaines permanences permettent à l’habitué de se retrouver. La salle Bizet est coupée en deux, les escaliers se sont couverts de poussière mais il reste là une affiche, ici un bout de mur ou une couleur qui permettent de se repérer, une odeur donc.  Ce que la signalétique du chantier appelle le « sens d’évacuation ». 
Si l’on a bien compris l’errance qui a tenu lieu de visite ce mardi 27, Favart est coupé en deux dans le sens de la hauteur et c’est par le cinquième étage que l’on peut passer d’une partie à l’autre…et sortir.

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