L'hymne à la jeunesse

Publié le 14 février 2017
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Rencontre avec Thomas Jolly

Devant le grand foyer du Théâtre du Châtelet, des étudiants se sont réunis en quinconce autour du metteur en scène, les yeux béants et suspendus aux lèvres du brillant orateur. Il raconte, tandis qu’un hautbois dans la pièce attenante accompagne le récit de ce jeune charmeur de serpents. Pourquoi avoir accepté de mettre en scène Fantasio, opéra dont le personnage éponyme est d’ailleurs aussi un étudiant, canaille et mélancolique ? Thomas Jolly le dit, ce qui lui a plu tout de suite, c’était d’abord l’origine de l’œuvre : Musset et sa pièce de théâtre, Musset qui disait de lui-même qu’il était un enfant né trop tard dans un siècle trop vieux et dont Fantasio n’était que l’alter ego. Si l’opéra d’Offenbach est bien empreint de ce romantisme lunaire, au IIIe acte, on a signé la paix, la lumière déchire enfin l’obscurité et tout se clôt sur l’amour.

La fabrique du spectacle

Fantasio, c’est un travail de deux longues années. « Un opéra c’est beaucoup de réflexion dans sa tête, beaucoup de dessins, de plans, de maquettes, de réunions… En fait pendant deux ans, on avait clairement le syndrome de la réunionite… ! ». Et puis 10 jours avant la première, voilà que tout s’accélère, tout arrive en même temps, les décors, les costumes, le maquillage… tout ce que l’on a fait en théorie est mis à l’épreuve des faits. « Je n’ai pas fait de stage d’opéra, il m’a fallu apprendre en faisant… Pour ça, Eliogabalo a été une véritable école ».

Du théâtre à l’opéra

L’opéra, ça voulait dire aussi moins de liberté. Au théâtre, on invente sa scénographie au gré des répétitions, on choisit ses textes, ses acteurs et surtout, on est maître du temps. « J’ai tendance à dire que l’opéra est un art du futur : il faut des plans rapidement, être capable de projeter mentalement le spectacle, savoir qu’il y aura tel élément ici ou là, que l’on portera tel genre de costume… Non c’est sûr, il ne faut pas être cardiaque ! ». La musique aussi est une contrainte, elle reste maîtresse. Quant aux chanteurs, Thomas tient à respecter leur confort et à mettre en valeur les voix en faisant appel à toutes sortes de stratagèmes. Pas de quoi effrayer le magicien qu’il est. « Au théâtre, il n’y a rien et tout est à construire tandis qu’à l’opéra, il y a tout, et il faut comprendre pourquoi ». Il faut se plier aux nuances, se plier aux silences. 

Donner sa chance à la jeunesse

L’opéra, il y pensait, mais pour quand il aurait 50 ans. A son âge, que des maisons aussi prestigieuses que l’Opéra de Paris et l’Opéra Comique lui proposent de monter un spectacle l’a beaucoup surpris et honoré. « D’autant que je n’étais jamais allé sur ce terrain… Mais j’ai évidemment accepté. D’abord pour Musset, pour qui j’ai une grande admiration. Puis j’ai écouté la musique d’Offenbach et là j’ai été littéralement sonné ».

Pour Thomas Jolly, c’est certain, on peut être jeune, démarrer, et faire de belles choses. La jeunesse ne produit-elle pas une énergie formidable ? « Du théâtre, j’en fais depuis que je suis tout petit… je ne sais pas faire autre chose. Et j’essaye de le rendre le plus accessible possible, de l’extraire de l’image élitiste qu’on peut en avoir. J’ai envie de dire « Allez, venez, ça va être marrant ! ». Les répétitions de l’opéra étaient d’ailleurs publiques, le travail et la recherche élaborés en commun avec les artistes, l’expérimentation à l’air libre. « Je m’en fiche qu’on me voit me tromper, qu’on me voit faire des erreurs. J’ai besoin de sentir la réaction des gens. Et plus il y a de gens, plus j’ai à ma portée des indicateurs qui me disent ce qui peut marcher ou pas ».

Deux ans et demi qu’il travaille sur ce projet, dimanche, jour de la première, et pour la première fois, il les recevra, ses réactions. 1800 d’un coup. 1800 coups de cœur ?

Fantasio

Jacques Offenbach

12 au 27 février 2017

Dans la lignée des Contes d’Hoffmann, la partition d’Offenbach, sur une histoire de Musset, avait en partie disparu dans l’incendie de l’Opéra Comique. Avec une mise en scène signée Thomas Jolly, le spectacle renaît de ses cendres.

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