Jean-Philippe Rameau (1683-1764)

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Jean-Philippe Rameau est baptisé le 25 septembre 1683 à Dijon. Il est le septième des onze enfants de Jean Rameau, organiste de Saint-Étienne et de Saint-Bénigne. Son jeune frère Claude devient un virtuose précoce et sera le père de Jean-François, le « neveu de Rameau » immortalisé par Diderot. Passionné de musique, Jean-Philippe a un tempérament taciturne qui ne l’aide guère à briller. Il est plus intellectuel que virtuose, plus théoricien que mondain.

De 1701 à 1722, soit pendant la première partie de sa vie adulte, Jean-Philippe est un musicien voyageur, probablement très bon improvisateur à l’orgue, mais qui ne laisse aucune composition pour cet instrument. Violoniste dans une troupe milanaise ambulante – son seul bref séjour à l’étranger – puis à Montpellier, il devient organiste à la cathédrale d’Avignon (1702), à celle de Clermont-Ferrand (1702-1706), puis chez les Jésuites de la rue Saint-Jacques à Paris, où il publie son premier Livre de clavecin (1706), avant de succéder à son père à l’orgue de Notre-Dame de Dijon (1708-1712). Après quoi il s’établit en 1713 aux Jacobins à Lyon, où il compose ses grands Motets. De retour à Clermont en 1715, il écrit son Traité de l’Harmonie réduite à ses principes naturels puis… se fait renvoyer en jouant faux pendant les cérémonies de la Fête-Dieu.

Lorsqu’il s’installe à Paris en 1722, Rameau est entré dans sa quarantième année. La publication de son Traité de l’Harmonie le pose comme savant et sa conception de la musique, fondée sur des critères scientifiques dans le but d’en développer l’expressivité, comme homme des Lumières. Il n’en continue pas moins à avoir pour activité principale, jusqu’en 1738, l’orgue de Sainte-Croix de la Bretonnerie.

Il fait dès 1723 ses débuts de compositeur dans les foires parisiennes, en particulier à l’Opéra-Comique, avec des ariettes et des danses écrites surtout pour les opéras-comiques d’Alexis Piron, un ancien avocat de Dijon. Cette collaboration, qui se prolonge jusqu’en 1744, permet à Rameau d’appréhender le public parisien, de rencontrer des hommes de lettres audacieux et indépendants, et des interprètes stimulants. Rameau compose aussi des cantates – petits opéras de concert – et cherche un livret d’opéra auprès d’Houdar de La Motte et de Voltaire. Aucun de ces grands auteurs ne s’engage volontiers avec un débutant.

L’abbé Pellegrin, collaborateur de Montéclair à l’Opéra (alors Académie royale de Musique), lui écrit enfin un livret, Hippolyte et Aricie, adapté d’Euripide et de Racine. La partition est créée en 1733 avec un immense retentissement.

À 50 ans passés, Rameau crée désormais presque un ouvrage nouveau par an à l’Opéra, tragédie lyrique ou opéra-ballet, des Indes galantes en 1735 à Dardanus en 1739. En parallèle, il poursuit ses réflexions et publie en 1737 Génération harmonique, ou Traité de musique théorique et pratique. En 1736, il a trouvé la sécurité en devenant le compositeur attitré du fermier général (haut fonctionnaire gérant la perception des impôts) Alexandre Le Riche de La Pouplinière, qui entretient un orchestre permanent et le salon le plus brillant de la capitale, rue Neuve-des-Petits-Champs puis rue de Richelieu, et dans son château de Passy. Rameau s’installe chez lui avec sa femme Marie-Louise Mangot, une chanteuse épousée en 1726. Il y fréquente certains des plus grands artistes et penseurs du royaume.

De 1740 à 1745, il suspend sa production d’opéras et d’écrits pour adapter ses œuvres anciennes, fourbir de nouvelles créations, enseigner et animer la vie musicale chez son mécène.

En 1745, son retour est marqué par les créations à Versailles du ballet bouffon Platée et de la comédie-ballet La Princesse de Navarre, sur un livret de Voltaire, à l’occasion du mariage du Dauphin. À 62 ans, il est nommé compositeur du roi. Son activité trépidante est bientôt épaulée par un fidèle librettiste, Louis de Cahusac. Deux à quatre œuvres nouvelles voient le jour chaque année jusqu’en 1751, dont Zaïs, Naïs et Zoroastre. Il publie en outre deux nouveaux traités, dont la Démonstration du principe de l’harmonie en 1750, sans doute avec l’aide de Diderot.

C’est alors qu’éclate la Querelle des Bouffons. En août 1752, l’apparition sur la scène de l’Opéra d’une troupe bouffe italienne, venue représenter du Pergolèse, cristallise de vieux débats opposant les musiques française et italienne. Dans une confusion parfois délibérée, la Querelle oppose, à coups de libelles et de pamphlets, le genre populaire italien (opera buffa, comparable à l’opéra-comique français) et le genre noble français (tragédie lyrique, comparable à l’opera seria).

Dans ce contexte, Rameau, en position de quasi-monopole à l’Opéra, apparaît en parangon du style français. Formulée par Lully pour Louis XIV, la tragédie lyrique est taxée au mieux de savante, au pire d’artificielle. Les encyclopédistes, qui étaient favorables à Rameau, rallient le genre italien, tellement plus « naturel ». Jean-Jacques Rousseau l’attaque (Lettre sur la musique française, 1753), Melchior Grimm le trahit, D’Alembert s’éloigne. Parmi les réponses que Rameau publie alors figurent les Observations sur notre instinct pour la musique (1754) et les Erreurs sur la musique dans l’Encyclopédie (1755) dirigées contre Rousseau, qui en est le principal rédacteur musical.

Après plusieurs actes de ballet et Les Paladins, une comédie lyrique créée en 1760, Rameau jette ses dernières forces dans Les Boréades. Cette splendide tragédie lyrique, dans un goût déjà ancien mais musicalement toujours aussi inventive, est mise en répétitions à l’Opéra au printemps 1764, alors que Rameau vient d’être anobli.

Le 12 septembre 1764, la mort du musicien, âgé de 81 ans, suspend la production. L’œuvre connaîtra sa création scénique en 1982 au Festival d’Aix-en-Provence, sous la baguette de John Eliot Gardiner. Rameau est inhumé à Saint-Eustache et des messes à sa mémoire sont célébrées un peu partout en France.

À la veille de la Révolution française, l’évolution du goût orientera le public vers les opéras de Gluck, au détriment de Rameau. Son œuvre sera négligée jusqu’à l’édition monumentale entreprise à partir de 1895 chez Durand, sous la direction de Camille Saint-Saëns et Vincent d’Indy.