Portrait de Mécène | Laurent Tourres

Laurent Tourres, mécène du Cercle Favart, témoigne de son engagement auprès de l'Opéra-Comique.

Publié le 6 janvier 2023
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Laurent Tourres et Jodie Devos

Entretien

Normand d’origine, « exilé » à Paris depuis bientôt une soixantaine d’années, ingénieur de formation, j’ai rencontré grâce à Leontyne Price une bordelaise issue d’une famille baignée dans la musique et nous fêterons bientôt nos noces d’or.

Comment avez-vous connu l’Opéra-Comique et quelle est votre histoire avec la maison ?

J’ai coutume de dire que je suis tombé dans l’opéra à l’âge de pas tout à fait 12 ans et que je n’en suis jamais ressorti. À l’occasion des vacances de Noël, mes parents m’avaient emmené à Paris pour un séjour « culturel » et cette première plongée dans le monde lyrique avait eu lieu… salle Favart. On y donnait La Bohème et ce théâtre chanté m’a véritablement plu. On pourrait donc dire que mon attachement à l’Opéra-Comique est « fondateur » !

L’été suivant à Bayreuth, j’ai assisté, entre autres, à Parsifal et je ne m’y suis pas ennuyé une seule seconde malgré l’inconfort notoire des sièges ! Nous y sommes retournés avec mes parents et de bons amis plusieurs années de suite mais ce n’est qu’à partir de fin 1963, venu en Ile-de-France pour poursuivre mes études, que j’ai pu renouer avec les théâtres lyriques parisiens.

Mon professeur de physique, l’abbé Buchou, était non seulement un remarquable pédagogue mais accessoirement un inconditionnel de l’Opéra-Comique où il avait ses petites entrées et où, avec sa soutane noire, il était connu comme le loup blanc. Mes parents, ma femme par la suite et moi avons partagé avec lui de nombreux spectacles et discussions pendant une vingtaine d’années. C’était encore l’époque de la RTLN (Réunion des Théâtres Lyriques Nationaux) et nous alternions entre Favart et Garnier en fonction des représentations qui nous attiraient. On jouait à cette époque « en alternance » avec quasiment un spectacle par jour dans chacune des maisons, les chanteurs de la troupe passant de l’une à l’autre. Pour les fanas, c’était Byzance mais, pour les élèves de « prépa », c’était une distraction que mes parents toléraient sinon encourageaient uniquement à titre de détente du samedi soir ! Une fois retrouvée une certaine liberté, nous avons pu nous en donner à cœur joie entre la « Grande Boutique » et la salle Favart dont nous aimions le côté plus intime et presque familial.

Nous avons donc été très tristes lorsqu’à la suite des problèmes qu’a connus la RTLN à la fin des années 1960, la salle Favart fut fermée au public en 1972. Mais, lorsque l’on y redonna à partir de 1977 de fort beaux et intéressants spectacles, nous avons retrouvé les lieux avec une joie non dissimulée et nous nous sommes abonnés.

Par la suite, durant deux larges décennies autour du changement de millénaire, l’arrivée de nos enfants et des activités professionnelles peu compatibles avec une planification à long terme des distractions avaient entraîné une certaine mise en sourdine de nos activités lyriques.

« Mes parents m’avaient emmené à Paris pour un séjour « culturel » et cette première plongée dans le monde lyrique avait eu lieu… salle Favart ».

Laurent Tourres Mécène du Cercle Favart

Partagez-nous votre parcours de mécène 

C’est un peu triste à dire mais les spectacles que nous avions vus à la « Grande Boutique » nous avaient tellement laissés, à quelques exceptions près, songeurs sinon déçus que nous avons retrouvé le chemin de la « Petite Boutique » avec enthousiasme quand elle a réintégré la salle Favart après sa rénovation. La programmation variée remettant à l’honneur des œuvres peu connues sinon oubliées plutôt que les scies du répertoire que nous connaissons par cœur nous a vraiment tentés. Quoi de plus attirant en effet que le plaisir de la découverte allié à celui de se retrouver dans des lieux aimés ? Nous avons été très vite enthousiasmés, tant par la qualité musicale que par la réussite esthétique des représentations, preuve que l’on peut innover en matière de mise en scène en respectant l’esprit des œuvres. Nous avons constitué avec des amis également très « fanas-opéra » un petit groupe fidèle. Donc, l’idée de soutenir, même modestement, l’action du théâtre et de faire partie de la « famille Favart » nous est apparue tout à fait naturellement.

Quels sont les projets de l’Opéra Comique qui vous tiennent le plus à cœur ?

Tous un peu ou plutôt tous beaucoup ! Pour employer la formule classique : c’est très bien, continuez !

Continuez, selon la belle formule de La Bruyère, à « tenir nos esprits, nos yeux et nos oreilles dans un égal enchantement » ! Continuez à nous présenter de beaux spectacles ! Continuez à nous faire découvrir des chefs d’œuvre injustement oubliés ! Continuez à nous présenter des créations contemporaines ! Continuez à donner leur chance à de jeunes interprètes ! Continuez à former ces jeunes maîtrisiens : même s’ils ne se lancent pas dans la carrière, ils auront reçu une formation à et pour la vie ! Continuez vos actions d’initiation à l’opéra pour tous les publics ! Continuez les colloques entre spécialistes !...

« Nous avons été très vite enthousiasmés, tant par la qualité musicale que par la réussite esthétique des représentations, preuve que l’on peut innover en matière de mise en scène en respectant l’esprit des œuvres ».

Laurent Tourres Membre du Cercle Favart

Quel est votre souvenir musical le plus fort Salle Favart ?

Sur un intervalle de temps de soixante ans, il y en a tellement que c’est difficile d’en choisir un et un seul. De plus, entend-on musical au sens strict ou pense-t-on à une réussite globale ?

De la « période RTLN » je retiendrais volontiers Mireille avec Andrée Esposito et Georges Liccioni, Lakmé avec Mady Mesplé et le même Liccioni mais aussi Les Contes d’Hoffmann, Les Pêcheurs de perles que j’ai vus chacun deux fois avec des distributions différentes rassemblant le gratin du chant français et, bien sûr, cette Bohème qui m’a initié à l’opéra.

De la période intermédiaire, deux événements particulièrement marquants. En 1984, les débuts à la scène de Jessye Norman dans Didon et Enée et en 1983 Ariane à Naxos, peut-être mon opéra préféré de Richard Strauss, que j’ai découvert à cette occasion.

De la période récente, je ne peux ni ne veux choisir tant tout m’a semblé réussi. Une mention spéciale néanmoins pour Ercole amante, sans conteste l’un des plus beaux opéras auquel il m’ait été donné d’assister.

Quel serait votre souhait pour le futur de l’Opéra Comique ?

Au risque de passer pour un zélateur inconditionnel de notre directeur, force m’est de reconnaître que je me sens très en phase avec ses idées : nouvelles créations, rapprochements entre art dramatique et art lyrique, formation des jeunes chanteurs et chefs d’orchestre : reprise de l’activité « académie », doublures… Et, pourquoi pas une troupe ?

J’aimerais que, parallèlement aux toujours sympathiques concerts du midi, on reprenne l’activité du « Cabaret porte 8 » qui offrait des moments de gaieté avec une proximité entre spectateurs et interprètes que la grande salle ne permet pas.

À quel personnage d’opéra vous identifiez-vous le plus ?

Quand j’étais ado Romeo ou Vincent, bien sûr ! Plus tard sans doute Rodrigo Posa (j’aime particulièrement Don Carlos) ou Oreste d’Iphigénie en Tauride, deux rôles illustrés par Robert Massard. En vieillissant, c’est plutôt Hans Sachs que je retrouve toujours avec émotion ! Mais je me suis amusé depuis toujours à imiter en chantant faux et mal les rôles de méchants : Méphisto, Lindorff-Coppélius-Dapertutto-Miracle… Et, si j’étais une femme, ce serait probablement Norma !

Jouez-vous d’un instrument ?

Non. Comme je ne comprenais rien au solfège, ça a été un obstacle insurmontable. Malheureusement (ou heureusement pour des gens comme moi), grâce au développement de la Hifi, il n’était plus besoin de jouer soi-même pour profiter de la musique. Je me suis donc contenté d’une carrière intense de spectateur et auditeur. En revanche, une fois que j’ai disposé à la retraite de plus de temps libre, j’ai pu réaliser mon rêve d’apprendre à chanter correctement en rejoignant le chœur Opéra dévoilé-Voix en développement. Participer sur scène, ne serait-ce qu’en tant que choriste, à la représentation de plusieurs grandes œuvres que j’aime est pour moi un véritable aboutissement.

Nous remercions Monsieur Laurent Tourres, mécène Pélléas du Cercle Favart, qui a accepté de répondre à nos questions et soutient fidèlement notre maison.

N'hésitez pas à contacter l'équipe mécénat à l'adresse suivante pour découvrir les projets à impact de l'Opéra Comique. 

 

L'équipe mécénat de l'Opéra Comique 

L'équipe Mécénat de l'Opéra Comique
Téléphone 01 70 23 01 38