[La chronique des Fantasept] Atelier 4 du Centquatre

Publié le 4 janvier 2017
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En cette première journée de répétition scénique, à l’atelier 4 du Centquatre, Thomas Jolly et toute l’équipe se retrouvent prêts à attaquer le défrichement du livret avec les chanteurs. Avant de s’y atteler, l’équipe réalise un petit point sur le programme, et annonce que le premier filage de l’acte I est prévu pour le mercredi suivant, ce qui témoigne du rythme intense et nécessairement resserré des répétitions.

La matinée, à la table, est ainsi consacrée à la relecture de l’intégralité du texte – parlé et chanté  compris. Ce moment permet au metteur en scène ainsi qu’à l’équipe dramaturgique – Katja Krüger et Alexandre Dain – d’entendre à nouveau le texte, ainsi qu’aux chanteurs d’effectuer une « mise en bouche » et de se remémorer éventuellement le déroulement de la totalité de l’intrigue. L’ambiance est joyeuse, et certaines répliques récurrentes comme « cet aide de camp » (qui fait référence dans la pièce au Prince déguisé, caractérisé par sa bêtise) suscitent l’hilarité par les échos que l’oreille contemporaine peut s’amuser à y déceler. Indice : répétez « cet aide de camp » plusieurs fois de suite…La matinée s’achève ainsi dans la bonne humeur, sur les coups de midi. Rendez-vous est pris à treize heure trente avec les chanteurs pour s’occuper de la scène de la Ronde des fous, puis de la scène du jardin entre Elsbeth et Fantasio.

Le début de l’après-midi est ainsi dédié, durant une petite heure, à exposer les intentions de Thomas Jolly aux chanteurs pour la scène de la Ronde des fous. Ce dernier leur donne une consigne simple mais ambitieuse : inventer un spectacle dans le spectacle, fait de bric et de broc – nez en carton, perruques, rideaux de fortune – pour renforcer l’aspect carnavalesque de la scène. Katja Krüger, la dramaturge, nous montre alors toute une série de tableaux du XVIIIe siècle qui représentent des fous ou des scènes de carnavals. Chargés imaginairement de cette iconographie, les chanteurs sont invités à présenter une première version de ce travail d’invention pour le vendredi 6 janvier. Au travail, donc, et seuls ! Puisqu’il n’y a pas assez de place dans l’atelier 4, où il faut s’atteler à la scène suivante, les chanteurs sont invités à aller travailler autre part.

- « Dans le hall du Centquatre ? », propose Thomas Jolly sur le ton de la blague, « hip-hop et Offenbach, pourquoi pas ! » Qu’à cela ne tienne. Dotés de leur mission, nos quatre chanteurs laissent la place aux trois interprètes féminines qui viennent d’arriver pour travailler la scène du jardin, qui occupera la majeure partie de l’après-midi.

Nous commençons ainsi le travail de cette scène par une relecture à la table, occasion d’éclairer le sens de certaines répliques plus obscures et d’insister sur quelques points de dramaturgie. On y évoque, dans le désordre, l’amour courtois et les romans qu’auraient lus Flamel, la gouvernante d'Elsbeth au caractère romanesque, déçue que le Prince promis ne soit pas un « Amadis » (héros romanesque issu d’un roman de chevalerie espagnol du XVIe siècle, écrit par Garci Rodriguez de Montalvo) et la botanique. Katja Krüger nous fait remarquer qu'Elsbeth trouve Fantasio au milieu de « bluets », autrement dit de fleurs bleues, ce qui n'est pas sans évoquer une expression bien connue désignant une personne un peu trop sentimentale. Fantasio, derrière ses railleries, serait-il un romantique ? Dès lors, la scène de joute amoureuse (le mot jaillit pendant la lecture, il s'agit bien d'un combat verbal entre Fantasio et Elsbeth) prends une autre coloration, si l'on peut dire, à se dérouler au milieu de « fleurs bleues ». Thomas Jolly insiste sur la gémellité spirituelle des deux protagonistes : Elsbeth et Fantasio seraient des « âmes jumelles de spleen », qui cherchent en dernier lieu à suivre leur instinct et leur intégrité de pensée plutôt que la raison ou le devoir. Ainsi, si Fantasio déguisé en bouffon raille l'épouse qu'Elsbeth sera contrainte de devenir, la princesse refuse « d'altérer sa forme d'une étamine », suivant toujours la métaphore florale qui coure dans tout le dialogue.

Après la lecture à la table, Thomas Jolly invite les trois chanteuses à s'installer aux pupitres pour commencer le travail d'interprétation de la scène. Cette séance est l'occasion d'assister à une véritable leçon de direction d'acteur. Le metteur en scène n'hésite pas à reprendre les interprètes au fur et et à mesure de la scène, délivrant ses conseils et indications au fur et à mesure et déroulant sa vision de l'interprétation scénique.

« Imaginez que vous parlez à voix haute », déclare-t-il aux interprètes, insistant sur l'illusion que l'acteur doit donner au public de prononcer les mots et de les penser « pour la première fois », seul moyen pour provoquer l'empathie avec ce qui se déroule sur scène. Il fait également travailler la diction, différente forcément de celle du chant, insistant par exemple sur la nécessité de mettre l'accent sur les premières syllabes des phrases. Les groupes de mots deviennent des « prises », auxquelles l'interprète, à la manière d'un alpiniste, doit s'accrocher pour éviter la monotonie, la musique de la parole déclamée. Bien au contraire, Thomas Jolly affirme qu'il leur faut « chercher l'accident » : ne pas hésiter à s'interrompre, à donner le sentiment que le personnage réfléchit et cherche ses mots. Marie-Eve Mungier et Marianne Crebassa s'en donnent donc à coeur joie, et la scène d'affrontement entre Elsbeth et Fantasio, au fur et à mesure de la séance de travail, prend de plus en plus de relief et un tour vraiment comique – au point où Elsbeth s'avance vers Fantasio pour le menacer de son poing...avant que celui-ci ne brandisse une tulipe pour l'arrêter !

Cette première journée de répétitions scénique s'achève finalement dans la satisfaction d'avoir amorcé un travail de longue haleine, dont les fruits s'annoncent déjà prometteurs. Thomas Jolly clôt ainsi : « Ca fait du bien de se remettre au travail ! ». La salle se vide, mais on sent déjà l'impatience de continuer le travail le lendemain.

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