À lire avant Madame Favart

Publié le 29 mai 2019
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« Ma foi, il n’y a plus que l’Opéra Comique qui soutienne la réputation de la France. » Voltaire à Justine Favart, lettre du 14 décembre 1765

À propos de son arrière-grand-père, le maréchal de Saxe, George Sand écrivait : « Madame Favart est un gros péché dans sa vie, un péché que Dieu seul a pu lui pardonner. »

Madame Favart – nom de scène de Justine Duronceray, épouse Favart – était connue des romantiques qui raffolaient des histoires d’artistes et de théâtre, où réalité et fiction se mêlent dans un vertigineux mais éclairant désordre. Sand mit tout son talent dans Consuelo (1842), vie d’une cantatrice dans l’Europe des Lumières, tandis qu’au théâtre triomphaient Kean (1836) de Dumas, puis Adrienne Lecouvreur (1849) de Scribe et Legouvé.

Lecouvreur avait été, avant Justine Favart, la grande passion du maréchal de Saxe. Cet aristocrate avait tout pour devenir, lui aussi, un personnage de fiction, d’abord parce que Saxon, donc n’affectant pas l’image de la France. Ce fils adultérin du roi de Pologne, entré au service de Louis XV, envahit les Pays-Bas autrichiens à la tête de l’armée française lors de la Guerre de Succession d’Autriche. Quand il engagea en 1746 les Favart à venir diriger son « théâtre aux armées », puis la Monnaie de Bruxelles, il avait gagné le surnom de « Vainqueur de Fontenoy » par son autorité et son génie tactique. Il était aussi « le plus bel homme de son temps » (Grimm). Actrices et danseuses ne lui résistaient pas plus que les bataillons impériaux.

À part Madame Favart, dont la conquête même demeure incertaine.

Or les romantiques prisaient aussi l’héroïsme des faibles, surtout celui des femmes endurant épreuves et dangers pour sauver leur couple. De Leonore-Fidelio à Floria Tosca, en passant par nombre d’égéries d’opéra-comique et du boulevard, que de courageuses fiancées et épouses attendrissaient les publics !

Justine avait formé avec Charles-Simon Favart un couple trop idéal pour n’être pas célébré par une société fondée sur le mariage. Tant pis si elle avait dominé le couple. Après sa mort, son mari (le « Molière de l’opéra » d’après Voltaire) avait cessé d’écrire. Elle le dominait encore dans la mémoire collective, à travers récits biographiques et adaptations théâtrales. Cette intellectuelle, amie de Crébillon et de Voltaire, cette autrice et actrice vedette, réformatrice en France du jeu dramatique et du costume de scène, était restée fidèle à son mari : quel modèle pour les épouses ! Un tel dévouement relativisait presque 27 ans de carrière et 42 créations.

Le bicentenaire du compositeur a incité l’Opéra Comique, accompagné par le Palazzetto Bru Zane, à ranimer cette œuvre inspirée de son histoire, mais jamais jouée dans ses murs. Anne Kessler, femme de théâtre comme Justine, fait le pari de la comédie en conservant tous les dialogues parlés. Laurent Campellone, qui a réhabilité Fantasio, restitue la profondeur de cette partition éclectique. Les chanteurs de la Nouvelle Troupe Favart y déploient la polyvalence artistique qu’implique le genre, et dont jouait si bien notre héroïne.

Madame Favart

Jacques Offenbach

20 au 30 juin 2019

La destinée d’une immense actrice et de son couple en proie aux assauts du Maréchal de Saxe… Un opéra quasi biographique et une comédie savoureuse pour célébrer le bicentenaire d’Offenbach.

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