La destinée d’une immense actrice et de son couple en proie aux assauts du Maréchal de Saxe… Un opéra quasi biographique et une comédie savoureuse pour célébrer le bicentenaire d’Offenbach.
Opéra-comique en trois actes. Livret d’Alfred Duru et Henri Chivot.
Créé aux Folies-Dramatiques en 1878.
Le maréchal de Saxe veut séparer Charles-Simon et Justine Favart afin de faire de l'actrice sa maîtresse. Les voilà forcés de vivre séparés et cachés. Leur génie de l’intrigue sauvera-t-il leur couple ?
Immense actrice de l’époque des Lumières, Justine fut aussi une héroïne. Fuyant entre France et Pays-Bas les assiduités du maréchal, elle change d’identité pour sauver son honneur, le bonheur de ses amis, la carrière de son époux dramaturge et, sans le savoir… l’avenir de l'Opéra Comique. À peine romancée, l'anecdote se mêle à l’Histoire pour s'achever par un spectacle dans le spectacle.
Avec Madame Favart, Offenbach a réussi à conjuguer récit picaresque et célébration de l’opéra-comique dans une pièce lyrique à souhait. Presque oubliée après des décennies de succès, cette grande comédie renaît pour le bicentenaire du compositeur.
Pour rendre justice à une femme de théâtre complète, il en fallait une autre, Anne Kessler. Laurent Campellone fait miroiter le génie d’Offenbach après un Fantasio qui a marqué 2017. Et incarnant les protagonistes de cette aventure, Marion Lebègue et les artistes de la Nouvelle Troupe Favart brûleront les planches !
Acte I
Alors que le maréchal de Saxe assiège Tournai avec l’armée française, débarquent dans une auberge d’Arras le major Cotignac et sa fille Suzanne. Cotignac veut obtenir du gouverneur Pontsablé un poste de lieutenant de police pour son futur gendre. Mais Suzanne aime un greffier, Hector de Boispréau, prêt à briguer le poste pour obtenir sa main.
L’aubergiste Biscotin cache Favart, ex-directeur de théâtre que le maréchal de Saxe veut emprisonner pour lui ravir son épouse, la comédienne Justine. Or Justine vient rejoindre son mari sous l’habit d’une chanteuse des rues. Après avoir charmé les clients de l’auberge, elle retrouve Hector, son ami d’enfance.
Son art du travestissement met les soldats en déroute. Puis elle embobine le gouverneur : convaincu d’avoir affaire à l’épouse d’Hector, il lui concède le poste convoité. Hector peut emmener Suzanne à Douai, avec les Favart qu’il fait passer pour ses domestiques.
Acte II
À Douai, Hector va fêter sa prise de fonction. Les Favart jouent les domestiques. Mais le gouverneur Pontsablé survient, à la poursuite de Madame Favart sur ordre du maréchal – en fait pour revoir celle qu’il prend pour l’épouse d’Hector. Justine le mystifie, mais doit révéler comment elle a obtenu la charge d’Hector. Suzanne craint de lui céder sa place d’épouse et se travestit en domestique.
Forcée de subir la cour de Pontsablé, Justine apprend que la tante d’Hector pourrait l’identifier car elle l’a vue jouer à Paris. Elle se travestit donc en douairière pour envoyer Pontsablé sur une fausse piste. Hélas, la véritable tante survient et annonce que Madame Favart se dissimule sous le costume d’une servante. Pontsablé embarque donc Suzanne, avec Favart.
Acte III
Au camp de Fontenoy, le maréchal souffrant n’a pas encore constaté l’absence de sa comédienne préférée. Cotignac attend avec les soldats le spectacle que doivent donner les Favart, en présence de Louis XV. Or Suzanne n’est pas comédienne et Favart n’est pas inspiré !
Justine et Hector paraissent, travestis en marchands. Justine va révéler au roi les persécutions qu’elle subit. Elle est priée de monter en scène, tandis que Suzanne et Hector s’éclipsent.
Pendant le spectacle, Cotignac révèle à Pontsablé que celle qu’il a courtisée n’est pas sa fille. Pontsablé fait rattraper Suzanne et Hector. Mais Justine obtient un triomphe, et le roi la gratifie de deux cadeaux : la révocation de Pontsablé et la nomination de Favart à la tête de l’Opéra Comique.
« Ma foi, il n’y a plus que l’Opéra Comique qui soutienne la réputation de la France. » Voltaire à Justine Favart, lettre du 14 décembre 1765
À propos de son arrière-grand-père, le maréchal de Saxe, George Sand écrivait : « Madame Favart est un gros péché dans sa vie, un péché que Dieu seul a pu lui pardonner. »
Madame Favart – nom de scène de Justine Duronceray, épouse Favart – était connue des romantiques qui raffolaient des histoires d’artistes et de théâtre, où réalité et fiction se mêlent dans un vertigineux mais éclairant désordre. Sand mit tout son talent dans Consuelo (1842), vie d’une cantatrice dans l’Europe des Lumières, tandis qu’au théâtre triomphaient Kean (1836) de Dumas, puis Adrienne Lecouvreur (1849) de Scribe et Legouvé.
Lecouvreur avait été, avant Justine Favart, la grande passion du maréchal de Saxe. Cet aristocrate avait tout pour devenir, lui aussi, un personnage de fiction, d’abord parce que Saxon, donc n’affectant pas l’image de la France. Ce fils adultérin du roi de Pologne, entré au service de Louis XV, envahit les Pays-Bas autrichiens à la tête de l’armée française lors de la Guerre de Succession d’Autriche. Quand il engagea en 1746 les Favart à venir diriger son « théâtre aux armées », puis la Monnaie de Bruxelles, il avait gagné le surnom de « Vainqueur de Fontenoy » par son autorité et son génie tactique. Il était aussi « le plus bel homme de son temps » (Grimm). Actrices et danseuses ne lui résistaient pas plus que les bataillons impériaux.
À part Madame Favart, dont la conquête même demeure incertaine.
Or les romantiques prisaient aussi l’héroïsme des faibles, surtout celui des femmes endurant épreuves et dangers pour sauver leur couple. De Leonore-Fidelio à Floria Tosca, en passant par nombre d’égéries d’opéra-comique et du boulevard, que de courageuses fiancées et épouses attendrissaient les publics !
Justine avait formé avec Charles-Simon Favart un couple trop idéal pour n’être pas célébré par une société fondée sur le mariage. Tant pis si elle avait dominé le couple. Après sa mort, son mari (le « Molière de l’opéra » d’après Voltaire) avait cessé d’écrire. Elle le dominait encore dans la mémoire collective, à travers récits biographiques et adaptations théâtrales. Cette intellectuelle, amie de Crébillon et de Voltaire, cette autrice et actrice vedette, réformatrice en France du jeu dramatique et du costume de scène, était restée fidèle à son mari : quel modèle pour les épouses ! Un tel dévouement relativisait presque 27 ans de carrière et 42 créations.
La rue Favart était connue des Parisiens. Elle desservait la salle de l’Opéra Comique depuis son édification en 1783. Justine était alors décédée depuis 11 ans, mais Charles-Simon l’avait associée à l’hommage – une idée du duc de Choiseul, donateur du terrain. Le couple Favart avait joué un rôle-clé dans l’évolution et le rayonnement de l’institution : il appartenait au patrimoine français. Lorsqu’au XIXe siècle, on désignait l’Opéra Comique – à la Chambre des députés, au gouvernement, dans la presse – comme « le théâtre du genre éminemment national », on y associait les Favart. Sur leur scène parisienne, ils avaient peint leur époque mais aussi reconstitué des images du monde – la Chine, la Turquie. Leurs idées et leurs pièces avait séduit Gluck, Haydn, Mozart… Pendant que l’Europe des monarchies se déchirait, ils participaient à l’Europe de la culture.
Lorsqu’Offenbach, musicien européen s’il en fut, décida de résumer sa démarche artistique et de dire son amour à la France, il écrivit Madame Favart. Cet opéra-comique présente une facture classique avec 23 numéros musicaux – certains typiques d’Offenbach, d’autres inspirés de l’art forain des Favart. Au cœur de l’œuvre, une artiste transformiste mais probe, charismatique mais solidaire, gaie mais intrépide. En écho à Flaubert, Offenbach a dû affirmer : « Madame Favart, c’est moi ! »
Caractérisation des personnages historiques et paroles des chansons doivent au volume de Pilgrim et Gozlan parue en 1858. Maurice de Saxe n’apparaît pas, remplacé par un gouverneur d’opérette, plus truculent. Les personnages de fiction sont ingénieusement conçus par Chivot et Duru (librettistes entre autres de La Fille du tambour-major d’Offenbach, des Chevaliers de la Table ronde d’Hervé, des Cent Vierges de Lecoq, de La Mascotte d’Audran). L’intrigue est impeccablement échevelée – mais moins que les authentiques tribulations de Justine et Charles-Simon. Chaque scène est prétexte à déployer les arts du spectacle, jusqu’aux coulisses de La Chercheuse d’esprit, un opéra-comique de 1743 signé Favart et Trial, donné à l'acte III.
Une précision historique cependant : quoi que prétende l’heureux dénouement, Favart n’a jamais reçu du roi ses mandats à la tête de l’Opéra Comique, alors troupe foraine et non théâtre officiel. Que Justine ait en revanche assisté Charles-Simon dans cette tâche ne fait aucun doute.
Le Théâtre des Folies-Dramatiques produisit Madame Favart le 28 décembre 1878, avec une excellente distribution. De nombreux numéros furent bissés, et même trissés. 200 représentations se succédèrent, suivies par des reprises aux Bouffes-Parisiens en 1884, aux Menus-Plaisirs en 1888, à l’Apollo en 1911 et 1913. Entretemps l’œuvre avait paru en 1879 à Vienne, Leipzig et Berlin, puis à Londres et New York.
Mais la mort d’Offenbach en 1880 avait été suivie de près par la création des Contes d’Hoffmann à l’Opéra Comique. Ce chef-d’œuvre testamentaire conquit rapidement les scènes internationales et éclipsa peu à peur des ouvrages comme Madame Favart.
Le bicentenaire du compositeur a incité l’Opéra Comique, accompagné par le Palazzetto Bru Zane, à ranimer cette œuvre inspirée de son histoire, mais jamais jouée dans ses murs. Anne Kessler, femme de théâtre comme Justine, fait le pari de la comédie en conservant tous les dialogues parlés. Laurent Campellone, qui a réhabilité Fantasio, restitue la profondeur de cette partition éclectique. Les chanteurs de la Nouvelle Troupe Favart y déploient la polyvalence artistique qu’implique le genre, et dont jouait si bien notre héroïne.
Direction musicale, Laurent Campellone • Mise en scène, Anne Kessler • Avec Marion Lebègue, Christian Helmer, Anne-Catherine Gillet, François Rougier, Franck Leguérinel, Éric Huchet, Lionel Peintre, Raphaël Brémard • Choeur de l’Opéra de Limoges • Orchestre de Chambre de Paris
Voir toute la distribution2h40 (entracte inclus) - Salle Favart
138, 122, 97, 75, 50, 34, 16, 6 €
16 emplacements spécifiques sont accessibles aux personnes à mobilité réduite, sur réservation au guichet ou par téléphone. Ascenseur accessible par le 5 rue Favart.
01 70 23 01 44 | accessibilite@opera-comique.com
Avant le Spectacle
Rencontrez les artistes
Animée par Agnès Terrier, mardi 4 juin à 19h.
Avec Laurent Campellone, chef d'orchestre, Marion Lebègue, Christian Helmer dans les rôles de Madame Favart et Charles-Simon Favart, Anne-Catherine Gillet, Suzanne et Eric Huchet, Marquis de Pontsablé
Les clés du spectacle
Agnès Terrier, la dramaturge du théâtre vous dit en 15 minutes tout ce qu’il faut savoir sur l'œuvre et le contexte de sa création.
Chantez les airs de l'opéra
Rendez-vous décomplexé avec un chef de chœur pour découvrir en chantant quelques airs de l’opéra que vous vous apprêtez à voir !
Distribution
Choeur :
Chœur de l’Opéra de Limoges - Direction, Edward Ananian-Cooper (et la collaboration de Stéphane Trébuchet)
Orchestre :
Orchestre de Chambre de Paris
Nouvelle production :
Opéra Comique
Coproduction :
Bru Zane, Opéra de Limoges, Théâtre de Caen
Dans le cadre du 7° festival Palazzetto - Bru Zane Paris
Partitions éditées et mises à disposition par le Palazzetto Bru Zane