Les intentions créatives d'Hubert Barrère | Zémire et Azor

Alors que Zémire et Azor sera bientôt donné salle Favart, nous sommes allés questionner Hubert Barrère, créateur des costumes et des décors et directeur artistique de la Maison Lesage, sur ses intentions créatives. 

Publié le 20 juin 2023
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Quels ont été les points de départ et vos sources d’inspiration pour la création des costumes et des décors de Zémire et Azor ?

Le point de départ évidemment c’est Michel Fau, le metteur en scène. Ce qui est important quand on fait des costumes et des décors c’est de suivre la vision du metteur en scène et de travailler en osmose. Son maître mot a été pour moi un cadeau : création.

Comme on parle de création, rien n’est vrai. Les costumes et la scénographie oscillent entre trois périodes : Le XVIIIème siècle sous le règne de Louis XV, un Orient rêvé qui serait Ormuz, une terre rouge en Iran aujourd’hui. Et j’ai voulu rajouter avec l’accord de Michel l’esthétique de 1950, dans la mode, ce que l’on appelle le New Look parce qu’il y avait une inspiration évidente du XVIIIème siècle avec le retour des corsets et des robes avec des volumes inconsidérables de tissus.

Concernant les décors, là encore plusieurs périodes mais aussi et surtout ils oscillent entre plusieurs aspects : la liberté et la contrainte, la lumière et la nuit. On a un château avec un jardin et son labyrinthe, on peut s’y perdre, c’est un enfermement, mais c’est aussi très beau esthétiquement. Il y a ensuite Ormuz, la mer est rouge, la terre est rouge, Michel a donc souhaité une radicalité, que tout soit rouge.

Conception de la robe de Zémire dans les ateliers Lesage | Zémire et Azor © Stefan Brion

Zémire et Azor est une œuvre pleine de contraste, comment fait-on pour garder une cohérence globale ?

Qu’est-ce que la cohérence dans un opéra ? Dans un conte de fée ? En fin de compte, c’est l’incohérence, tout est possible, c’est un conte, rien ne doit être vrai. Donc que ce soit la mixité des lieux géographiques, ou des influences esthétiques concernant les vêtements, ce qui compte c’est d’avoir un fil directeur, ici l’univers de Michel Fau et le mien en même temps. Ce fil n’est pas forcément narratif, c’est un fil de création. Cela peut paraître abstrait, mais quand j’ai créé ces costumes, il était évident qu’il y avait l’opposition de couleurs, ou d’absence de couleurs et qu’il y avait ces trois périodes que je voulais absolument proposer dans cet opéra. Les influences Louis XV et de l’Orient rêvée était évidente, mais cette mode des années 50 me semblait aussi pertinente pour les deux sœurs notamment. Elles sont chipies, coquettes, on va donc les faire fashion. Mais pas dans n’importe quel style. Or le New Look des années 50 il y a le retour du corset et du volume des robes. Ces deux sœurs sont alors à mi-chemin entre notre période à nous et le XVIIIème siècle.

Comment le choix des couleurs et des tissus vient servir la dimension psychologique des lieux et des personnages ?

Schopenhauer disait « la couleur existe parce que la lumière est là. » Le monde des vivants a besoin de lumière donc j’ai mis beaucoup de couleurs et le monde inquiétant et terrifiant de la méchante fée avec Azor est dans l’obscurité, il n’y a plus de couleurs, c’est noir. Mais aussi, avec Michel nous voulions quelque chose de très contrasté, donc le noir en opposition avec la couleur c’était évident.

En plus le sujet s’y prête, le XVIIIème siècle sous Louis XV, il y a des couleurs exceptionnelles, poudrées et délicates, regardez la mode de Madame de Pompadour par exemple. Et en même temps on parle de la Perse, et de l’Orient. Qu’il soit fantasmé ou non, la couleur est là aussi très importante. C’est du pain béni pour un créateur de costume que d’avoir à faire un vêtement inspiré de cet Orient, on a des couleurs riches, des tissus qui sont comme des damassés, d’une richesse inouïe. 

Conception de la robe de Zémire dans les ateliers Lesage | Zémire et Azor © Lesage x Opera Comique - Alix Marnat

Vous êtes passionné de corset, un vêtement qui peut paraître contraignant pour des chanteurs. Comment adapte-t-on des créations aux contraintes du genre ?

Le corset n’est pas forcément contraignant, c’est l’idée qu’on s’en fait qui l’est, ou la période durant laquelle il a été porté. Le corset aujourd’hui, et particulièrement à l’opéra, doit être au service d’une silhouette, d’un comédien, et ne doit certainement pas le desservir. Donc, il y a pleins de choses, que je ne vous dévoilerai pas, mais qui affine une silhouette, ou regalbe une poitrine sans qu’il n’y ait de contraintes. 

Le costume d’Azor est très ambitieux, pouvez-vous nous parler de sa création ?

Je dois ici remercier Michel Fau qui m’a fait sortir de ma zone de confort. Je travaille essentiellement pour la mode, donc pour un vêtement portable mais là il doit surtout incarner un personnage. Et pour Azor, c’est la première fois que j’ai pris du plaisir à faire quelque chose d’horrible. Entendons-nous bien, c’est une horreur esthétique, entre les roses mortes, les insectes, quelques choses de franchement dégoutant. Mais c’est un vêtement qui a une esthétique très forte et qui porte une universalité qui fera que chacun peut avoir une lecture personnelle très différente en le regardant. C’est en tout cas tout sauf banal, une exploration inusuelle.

Ce vêtement reste contraignant, mais quand j’ai parlé avec Philippe Talbot (Interprète d’Azor) de liberté de mouvement, il m’a dit que la contrainte pouvait lui permettre d’appréhender d’avantage son personnage de bête en lui donnant des interdits. 

Une autre « pièce maîtresse » dans les costumes est très certainement la robe de princesse de Zémire. Pouvez-vous nous en dire plus sur sa création ?

Zémire contrairement à ses deux sœurs est une jeune fille toute simple qui va ensuite se transformer en princesse. Sa robe n’est donc pas dans un style New Look comme ses deux sœurs, mais une interprétation de la robe à la française du XVIIIème siècle à la mode dans les cours d’Europe. Comme j’ai la chance de travailler pour la Maison Lesage, je ne vois pas comment j’aurais pu me priver du plaisir de mettre de leurs broderies dans mes créations. La broderie de cette robe n’est pas du XVIIIème siècle, là aussi il faut faire une création. C’est donc une interprétation d’une roseraie, avec des motifs énormes, on est au théâtre il faut être vu de loin. Ce sont des énormes fleurs qui ont été découpées à la main, toutes rebrodées de cristal avec des satins de couleurs, de camaïeux de rose. Puis il y a des arabesques qui lient toutes ces fleurs, et qui représentent le style baroque, plutôt rocaille du XVIIIème siècle français, là aussi brodées de cristal, de perles, de tubes d’argent, de lames de métal et d’or, un grand festival de couleur.

Monsieur Lesage disait : « La haute couture sans broderie, c’est un 14 juillet sans feux d’artifices. » je crois, modestement, que je serais heureux que cet opéra avec cette robe de Zémire soit aussi un feu d’artifice.

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Rencontre avec Hubert Barrère - Zémire et Azor

Sa biographie

Hubert Barrère

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Zémire et Azor

André-Ernest-Modeste Grétry

23 juin au 1 juillet 2023

Le conte de La Belle et la Bête transposé dans l’orient des Mille et Une Nuits, par l’un des plus importants compositeurs du répertoire de l’Opéra Comique et dirigé par son actuel directeur, Louis Langrée. Au plateau, Michel Fau et Hubert Barrère se font magiciens et conteurs, pour un spectacle riche en prodiges visuels et musicaux - tempête, apparitions, métamorphoses - qui ravira petits et grands.

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